Et donc j’ai pris le Transsibérien…

Maïté Gourmand
VYSUAL MAG
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4 min readOct 27, 2016

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Chez VYSUAL, on aime voyager, partir à la découverte de nouveaux horizons et de nouvelles curiosités. Et cet été, j’ai eu la chance de rallier Moscou à Pékin à bord notamment du fameux Transsibérien.

Quelque part près d’Omsk, à l’est de l’Oural (août 2016)

Voyager dans le Transsibérien, c’est avant tout une expérience unique. C’est parcourir plus de 9000 km, traverser 7 fuseaux horaires et se retrouver en immersion complète au milieu de la culture russe, sur les traces de ces paysages autrefois dépeints par Dostoïevski et Tolstoï.

“Sur les traces de ces paysages autrefois dépeints par Dostoïevski et Tolstoï.”

Après deux jours à Moscou la kitschissime (sa place Rouge, ses théâtres et surtout ses stations de métro extraordinaires), coincée entre les années 80 et la modernité de tous les excès, il est temps de rejoindre le célèbre Lac Baïkal, premier arrêt de ce périple ferroviaire. Le voyage est intense, 15 jours seulement pour rejoindre Pékin. Les étapes sont donc peu nombreuses et ciblées. Ainsi, quatre jours de train seront nécessaires pour atteindre le lac. Ces 4 jours vous engouffrent et vous avalent tout entier…

“Ce vert qui vous colle à la rétine”

4 jours à regarder défiler l’horizon qui s’étire à l’infini, la taïga et la steppe encore et encore, avec ce vert qui vous colle à la rétine; 4 jours à développer une obsession pour les paysages ferroviaires et industriels, à trouver la beauté dans l’ordinaire.

“Développer une obsession pour les paysages ferroviaires et industriels, trouver la beauté dans l’ordinaire.”

4 jours dans des conditions d’hygiène rudimentaires où vous partagez un WC et un lavabo avec 20 Russes, gaillards élevés à la Vodka et aux travaux manuels, où la lingette devient votre meilleure et votre pire ennemie; 4 jours sans clim, avec la sueur qui colle à vos vêtements et aux banquettes en skaï, les Russes qui font des va et vient, torses-nus, une serviette trempée sur les épaules, le front luisant… et la chaleur qui vous assomme et vous écrase.

“Les Russes qui font des va et vient, torse-nus, une serviette trempée sur les épaules, le front luisant”

4 jours à dessiner, écrire, lire, tout, tout mais ce n’est encore pas assez pour occuper ces journées interminables où le temps semble s’être arrêté entre deux étendues de ce vert, ce vert encore et toujours derrière la fenêtre; 4 jours à boire du thé brûlant, à manger des nouilles déshydratées, des beignets fourrés, des fruits et du chocolat en sentant votre corps vous oppresser et disparaître sous la mollesse ambiante et l’absence de stimulation; 4 jours à avoir le souffle coupé devant la campagne sibérienne et ses maisons de bois colorées, devant la pauvreté des environs et des habitations, à observer le monde derrière une baie vitrée, dans un couloir de quelques mètres carrés.

“Avoir le souffle coupé devant la campagne sibérienne et ses maisons de bois colorées.”

4 jours à réfléchir, à entendre son cerveau retourner encore et encore les moindres de ses questionnements, à faire le point sur sa vie au rythme des insomnies et du roulement nocturne des rails ; 4 jours à être un objet de curiosité pour les Russes, ces Russes si froids, si revêches, sortis tout droit d’un vieux James Bond ou d’une pub pour Jean-Paul Gaultier, qui vous scrutent, vous observent puis finalement vous noient de questions en russe ou dans un anglais plus qu’approximatif, insistant jusqu’à ce que vous parveniez à donner un semblant de réponse à cette question qui les obsède “Mais qu’est-ce que vous faites là ?”.

“ Ces Russes si froids, si revêches, sortis tout droit d’un vieux James Bond ou d’une pub pour Jean-Paul Gaultier.”

Oui qu’est-ce que je fais là dans ce train qui semble ne jamais avancer, au milieu de cette chaleur écrasante et de ce vert oppressant ? D’où je viens et où je vais ?

Peut-être que simplement, j’attends. J’attends qu’à force de tourner en rond, le Transsibérien réponde à mes questions.

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Enseignante passionnée, littéraire enragée, baroudeuse confirmée et curieuse assumée ! Auteure @Vysual Mag