Quand “Hollywood” a débarqué en Sicile

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VYSUAL MAG
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4 min readFeb 10, 2015

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Non nous ne sommes pas à L.A, et non ce n’est pas le Hollywood auquel vous pensez.

Aujourd’hui, j’aimerai vous amener un peu moins de quatorze ans en arrière, à la découverte de l’œuvre surprenante de Maurizio Cattelan, Hollywood, présentée à la Biennale de Venise, le 8 juin 2001. Si comme moi, vous êtes nés en 1993, vous aviez 8 ans , sinon je vous laisse faire le calcul !

Brief biographique rapide : Maurizio Cattelan est un artiste italien, autodidacte, né en 1960 à Padoue.

Hollywood fait partie de ces œuvres qui se racontent, car elles ne s’observent plus. Elle est le fruit d’un happening réalisé par Cattelan dont il ne reste aujourd’hui plus que quelques rares photographies. Hollywood, c’est 9 lettres (H-O-L-L-Y-W-O-O-D), blanches, d’environ 22 mètres de haut, placées au sommet d’une colline de Palerme, surplombant la plus grande décharge publique de Sicile. Tout un programme !

Le Happening de Cattelan débute tôt, un matin de juin 2001, où il fait embarquer à bord d’un avion environ 150 personnes que l’on pourrait qualifiées de « jet-set de l’art contemporain » : grands collectionneurs, conservateurs, professionnels, journalistes… L’artiste leur annonce qu’ils vont découvrir le « nouvel Hollywood ». Seulement, l’aéronef ne se dirige pas vers Los Angeles, mais vers Palerme et le site de Bellolampo.

art contribution cattelan hollywood

M. Cattelan, Hollywood, 2001.

Là-bas, un beau déjeuner a été préparé, en fond apparaissent ces lettres si célèbres, qui ont fait de la cité des anges un endroit mythique. Seulement, cet endroit n’est pas paradisiaque et n’appelle pas au rêve américain comme on aurait pu l’imaginer : c’est une décharge publique et une odeur nauséabonde alourdit l’air.

Cattelan, prince de la ré-interprétation et de la réutilisation, a reproduit ces lettres blanches devant lesquelles des millions de touristes se photographient, au cœur d’une décharge publique. Hollywood n’a alors plus rien à voir avec le « way of life » américain.

« L’idée c’est de réorganiser quelque chose qui est déjà là, de re-présenter quelque chose qui existe déjà »

(in Nancy Spector, Conversation with M.Cattelan, 2000).

En s’appuyant sur un objet, une référence connue de tous, en le transposant ailleurs, il parvient à en altérer le sens et à en modifier notre perception.

L’artiste n’invente rien, ne crée rien d’innovant à proprement parler. Mais reproduire le panneau Hollywood (ancienne enseigne publicitaire, aujourd’hui monument historico-culturel) au sommet d’une colline surplombant une décharge publique, située dans une contrée où règne la mafia (qui a si souvent inspirée le cinéma américain), témoigne de toute l’ironie de la performance !

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Cette œuvre peut en laisser certains pensifs (moi comprise) avec de nombreuses questions en tête. Quel est réellement le message que veut faire passer l’artiste ? Espère-t-il dénoncer les problèmes environnementaux, la gestion des déchets ? Nous ouvrir les yeux sur la futilité de la mystification de quelques lettres disposées en haut d’une colline ? Ou remettre en cause nos symboles, et le « star-system »? L’artiste brouille complètement notre vision. Il nous laisse réfléchir par nous-même, avec nos interprétations, à la fois empruntes de notre histoire personnelle et de l’Histoire commune.

Si l’on s’intéresse à d’autres œuvres de l’artiste, certaines revêtent un aspect plus provocateur, comme « Him » (2001) et « la nona ora » (trad. la neuvième heure, 1999). Dans l’une, nous pouvons observer Hitler, dans l’autre le défunt Pape Jean-Paul II, tous deux représentés de manière ultra-réaliste grâce à l’utilisation de la cire. Dans « la nona ora », le souverain pontife a le visage crispé, terrassé par une météorite, la férule pontificale encore entre les mains. La neuvième heure est l’heure de la mort du christ selon l’évangile de Saint-Marc, l’heure où le Christ paye pour les pêchers de l’humanité.

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M. Cattelan, Him, 2001 / la nona ora, 1999.

L’art de Cattelan peut être qualifié de provocateur, d’ironique, de burlesque même. Mais c’est avant tout un artiste médiatisé (il est l’un des artistes les mieux côtés sur le marché de l’art) qui joue avec les codes, l’actualité et les représentations collectives issues de notre société contemporaine.

Et pour ça, il ne laissera personne indifférent !

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Le site de Maurizio Cattelan.

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