Une nature pas vraiment morte

Adrien Cresci
VYSUAL MAG
Published in
3 min readJun 24, 2016

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Vilma PIMENOFF

Réinventée, la nature morte du XXIème siècle est en toile cirée.

Au revoir l’éphémère, les fleurs qui fanent, les fruits qui pourrissent, les corps décomposés. Au revoir le moisi, le corrompu, le rance, le vieux, l‘abîmé, le putride.

Place au plastique, à l’intemporel, à l’inaltérable, au pérenne, à l’invincible, à l’immortel, à l’invulnérable. Aux mots aussi longs et compliqués que la vie qu’ils sont censés symboliser.

La peinture classique du XVIIème siècle présentait une vie terrestre définie dans le temps, rappelant l’homme à ses limites. Aujourd’hui, le plus petit morceau de plastique met plusieurs centaines d’années à se décomposer.

Est-ce que pour autant nous approchons de l’immortalité ?

Toi, moi, continuerons de vivre après notre mort : cette chaussure en plastique que j’ai laissé plonger alors que je savais à peine nager, le bouchon de ta bouteille Vittel tombé à côté de la poubelle, ce préservatif usagé que nous avons abandonné derrière notre buisson préféré…

Il y a donc une vie après la mort. À la vie physique succède la vie plastique.

Ces images sont belles, et si l’on est pas très attentif elles paraitraient presque réelles, presque naturelles.

Mais ce qui ressemble à la Nature n’est pas forcément nature. Le plastique est beau, la nature est belle, mais le plastique n’est pas naturel.

Tes fesses trop rebondies et tes faux seins ne sont pas nature (pourquoi crois-tu que l’on parle de chirurgie plastique ?) Le palmier exposé dans ton salon n’est pas nature, ta piscine gonflable n’est pas nature, les abricots que tu manges en hiver ne sont pas nature. Tes poireaux trop verts et tes tomates trop rouges non plus.

On pourrait croire, mais non.

La vérité est que les légumes sont éphémères, les fruits sont éphémères, les fleurs sont éphémères, la Nature est éphémère. Tu es éphémère. Et tu dois le rester.

Parce que tout meurt : les photos meurent, les tableaux meurent, les artistes meurent, les collectionneurs meurent, l’art meurt, le plastique meurt. Ah non pas le plastique. Parce que l’encre meurt, le papier meurt, les histoires meurent, les écrivains meurent, les lecteurs meurent. Tout meurt, sauf le plastique.

PLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUEPLASTIQUE.

NATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURENATURE.

Fiou, ça va mieux.

Vilma Pimenoff est une artiste finlandaise. Son projet “21st still life” est à retrouver jusqu’au 7 août 2016 dans le cadre du festival Circulation(s), au 104 à Paris.

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